Les Amies d'Olympe #4
chaque samedi

du 29 août au 26 septembre 2015
Cinq textes lus par leurs auteures à découvrir dans cinq lieux singuliers
de La Seyne-sur-Mer.

 
... parce que des femmes écrivent aussi du théâtre.
Le grand public connaît des romancières, des poétesses, des femmes de lettres philosophes, essayistes...
Il apprécie les comédiennes. Il sait qu'il existe des costumières, des metteures en scène, des techniciennes du spectacle régisseuses, éclairagistes, des administratrices...
Pourrait-il citer des noms de femmes dramaturges ?
Pourtant elles existent.
Marguerite Duras, Nathalie Sarraute ont même récemment fait leur apparition dans une anthologie du théâtre du XXème siècle, tout comme Yasmina Reza et Noëlle Renaude.
Pour cette quatrième édition, Les Amies d'Olympe vous proposent de découvrir cinq écritures théâtrales très différentes, dans cinq lieux différents de La Seyne-sur-Mer. Durant cinq semaines, chaque samedi, une femme de théâtre lit elle-même une pièce qu'elle a écrite. 
Le titre de la manifestation est un hommage à Olympe de Gouges (1748-1793), femme de théâtre entrée au répertoire de la Comédie-Française avec sa pièce dénonçant L'esclavage des Noirs, et passée à la postérité pour sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

 

 

 

Samedi 29 août 2015, 19h
Lucie Depauw
lit
Sas, Théâtre d’opérations et suites cinq étoiles, Les Solitaires intempestifs, 2014.
Rendez-vous au niveau du duc-d'Albe situé en face du quai Philippe-Taillez (dit quai d'honneur) qui borde le parc de la Navale.
En Méditerranée, île de Chypre. Tom, journaliste grand reporter et Alice, spécialiste du Syndrome stress post-traumatique, auteure d’une thèse sur les mécanismes de la peur ont un coup de foudre mutuel sur une piste de danse…
Cadre de rêve pour une romance ou une lune de miel - le rocher de Paphos, lieu de naissance d’Aphrodite, déesse de l’amour, est tout proche- l ‘île sert aussi de sas de décompression pour les guerriers français qui reviennent du front, d’Afghanistan ou du Mali…
Dancing memories, lu l’année dernière par Lucie Depauw, a été créée au printemps à la Comédie-Française.

 

Extrait de Sas

Comme vous le savez tous la raison profonde de ce programme
C’est que la peur du soldat a un coût
Nous sommes en quelque sorte des cost-killers
Un sas coûte environ 400 euros par soldat
Certains diront « c’est du luxe déjà ils se font dorer la pilule sous le soleil afghan
Qu’en plus faut leur payer des UV À Chypre »
Mais un soldat malade ça peut faire exploser le trou de la Sécu
Si on rajoute la dépression de sa femme
L’ulcère de sa mère
L’échec scolaire des enfants

 

 

 

 

 

 

 

 

Samedi 5 septembre 2015, 18h01
Alexandra Badea
lit
Extrêmophile, l’Arche, 2015
Rendez-vous débarcadère Porte Marine-Atelier mécanique.

Immersion en eaux profondes, plongée dans les fissures de la conscience de trois personnages.
Un chef de cabinet ministériel, attaché au mlnistre de l’Éducation nationale. Alors qu’il s’apprête à partir en vacances avec femme et enfants pour oublier sa passion pour Ahmat, un militant altermondialiste rencontré dans une backroom, il est rappelé par son ministre qui a besoin d’un discours : un prof vient de se suicider par le feu.
Une jeune scientifique spécialiste des extrêmophiles (micro-organismes qui vivent dans des conditions extrêmes) a renoncé à la recherche au profit de l’industrie qui fouille les océans.
Un soldat américain, pilote de drones, fait la guerre à distance, hanté par sa soeur Hannah morte lors d’un attentat sur une plage de Thaïlande.
Alexandra Badea est née en Roumanie. Elle a obtenu en 2013 le grand Prix de littérature dramatique pour « Pulvérisés ». Tout son théâtre est publié chez L’Arche : Je te regarde - Europe connexion, 2015 – Contrôle d’identité – Mode d’emploi - Burnout, 2009.

 

 

 

Extrait de Extrêmophile


Tu fais glisser ton portable dans la petite poche située sur le siège à l’avant,
l’écran orienté vers toi
Tu dois pouvoir surveiller l’heure sur toute la durée du vol
Tu ranges tes trois livres à l‘intérieur de la grande poche dans l’ordre suivant :
1 Ces grands discours qui ont changé le monde
2. Gouverner la haine
3. Ma vie au service de l’État

 

 

 

 

 

 

 

Samedi 12 septembre 2015, 11h-18h
Claudie Lenzi
performe
Elle t’enceinte, Plaine Page, 2015.
Rendez-vous Pont levant.

Elle t’enceinte s’articule en deux mouvements en miroir, entre la voix émise par notre corps et celle rendue par l’enregistrement, l’enceinte du magnétophone : où se situe celle qui est la nôtre, celle où nous nous reconnaissons ? Claudie Lenzi joue de cette distanciation, de ce moi qui s’expatrie, et nous est rendu par des moyens mécaniques, un je autre, étranger, dans une double construction de dépossession et de reconnaissance. Le texte en prose joue sur les mots, les analogies, tisse en profondeur et finesse la complexe relation qui s’instaure entre soi et soi, dans ce dédoublement sonore et visuel. […] À cela ajoutez un zeste d’humour, une langue fluide qui fait entendre au lecteur la voix de son auteur, dans sa verve, ses élans, ses retours… le texte écrit, à l’instar de l’enregistrement, « c’est du passé et du futur dans le présent »… Maryvonne Colombani, Zibeline, juillet 2015. Claudie Lenzi vit entre Marseille et Barjols. C’est une artiste plasticienne qui travaille sur le langage et une poète qui fabrique des objets. Elle se définit comme une artiste OTOrigène*, terme hybride qu’elle a inventé pour désigner la peuplade malentendante à laquelle elle appartient, qui vit entre bruit et silence où se profile la ligne du malentendu. Le langage est le moteur, le matériau récurrent de son travail.

 

 

Extrait de Elle t’enceinte

T’as intérêt à bien les ouvrir. De cette enceinte va sortir une voix cachée.
Une voix qui fuse et qui diffuse. La tienne que tu es en train d’écouter. Tu réécoutes ta propre voix qui se déploie.
L’enceinte c’est une bouche. Un trou. Un tout. Un orifice où ta voix qui sort sans toi te nargue. Te dévisage. C’est ton image que tu réécoutes. Image de toi. Pas idéale ? tu disais. Tu vas t’effondrer ! Tu ne sais pas ce qui va sortir de là. Et dans quel état… C’est d’abord comme si cette voix c’était pas toi. Une voix que tu aurais pondue et qui s’est perdue. Pendue à une pile ou un fil qui relie et qui court entre toi et toi. Une voix qui t’habite et aurait changé de toit.

 

 

 

 

 

 

Samedi 19 septembre 2015, 17h30
Michèle Laurence
lit
Eaux-Fortes, L'Oeil du Souffleur, 2015.
Villa Tamaris-Pacha–Centre d’art. Jauge limitée à 50 personnes.

Dans le musée des Beaux-Arts d’Alger, près du Jardin d’Essai, dans le quartier du Hamma, une femme évoque trois hommes : Paul Guion, fils de pasteur, architecte (Guelma, 1881-Boissy-l’Allerie, 1972) qui réalisa le musée des Beaux- Arts d’Alger, inauguré le 5 mai 1930; Kateb Yacine (1929, Kabylie-1989, Grenoble), poète et dramaturge, auteur du Cercle des représailles; M’hamed Issiakhem (1928-1983), peintre manchot (il perdit accidentellement le bras gauche en 1943 en jouant avec une grenade américaine)...
Michèle Laurence a écrit Eaux-Fortes lors d’une résidence à la villa Abdellatif.

 

Extrait de Eaux-Fortes

Kateb : Vous êtes charmant, monsieur Guion, poli, bien élevé et sûrement sincère… mais vous n’avez pas la naïveté de croire qu’on vous a fait construire un joli musée pour le peuple. On vous a fait ériger un beau palais pour témoigner de la grandeur de la France et de sa puissance coloniale à l’occasion du centenaire.
Paul : Si les intentions des gouvernants étaient celles que vous dites, elles n’ont en rien influencé mon projet initial.
Kateb : Il fallait quand même construire du monumental, du repérable, de l’architecture qui serve l’aura de la France dans le monde.
Paul : Il fallait s’intégrer harmonieusement dans un cadre exceptionnel, et offrir aux oeuvres exposées un écrin digne d’elles.
Issiakhem : Combien d’Algériens ont mis les pieds dans votre musée depuis 1930 ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Samedi 26 septembre 2015, 17h30
Céline Delbecq
lit
Poussière, Lansman, 2014
Rendez-vous 7 rue François Ferrandin, centre-ville. Accès par la rue Denfert-Rochereau ou par l’avenue Charles Gounod.

Suite à l’incendie de leur maison, une mère et deux de ses filles - la troisième, Juliette, a péri dans les flammes - emménagent dans un logement social. La mère est grièvement brûlée au bras, Camille, la cadette (6 ans), au visage. La mère exige que Camille porte un masque et ne peut s’empêcher d’en vouloir à Marie (12 ans) d’être physiquement indemne. Lorsqu’elle sent grandir la violence en elle, la mère décide de fuir, préférant abandonner ses enfants plutôt que de les brutaliser. Sur sa route, un jour de soûlerie, elle rencontre Georges, un homme sans abri et sans âge, handicapé mental. Lui, c’est la première fois qu’une femme l’embrasse…
Céline Delbecq vit en Belgique. Toute son oeuvre théâtrale est publiée chez Lansman :
Éclipse totale, 2014 - Seuls avec l’hiver, 2013 - Hêtre, 2010 - Le hibou, 2009.

Extrait de Poussière

Marie : L’horloge noire ?
Camille : Cramée !
Marie : Nos brosses à dents ?
Camille : Cramées !
La mère : Taisez-vous. Aidez-moi.
Marie : Les peintures dégueulasses ?
Camille : Cramées !
Marie : Ton lit ?
Camille : Cramé.
Marie : Ta boîte à trésors ?
Camille : Arrête, Marie.
Marie : brûlée ! Plus de boîte, plus de trésors.
Camille : Arrête !
Marie : Et ton visage, Camille ? Hein, ton visage ?

 

 

 

 

 

 

Les Amies d'Olympe #3
chaque samedi, 18h
place Martel Esprit
du 30 août au 4 octobre 2014

 

 

Samedi 30 août 2014, 18h
NADÈGE PRUGNARD
lit
des extraits de Les Pendus (L'Entretemps, 2014), Alcool. Un petit coin de
paradis.

" Nadège Prugnard est politique au vrai sens du terme. Politique tendance rock, quand le rock se tient à l’écart des paillettes et du tiroir-caisse. On peut bien la recouvrir de tous les qualificatifs qui font chic ou choc, la dire rebelle, marginale, écorchée vive ou infernale, tenter de la récupérer ou la détester : elle est au vrai sens du terme et sans compromis, une artiste. Avec une langue singulière et un univers à nul autre pareil. Elle se reconnaît au premier mot, au premier coup d’oeil." Daniel Martin.
Né en 1975, auteure, metteure en scène, comédienne, Nadège Prugnard dirige la compagnie Magma Performing Théâtre. Elle a été artiste associée de 2008 à 2013 au Théâtre d'Aurillac Scène Conventionnée. Depuis 2003, elle a écrit une vingtaine de pièces de théâtre (Monoï, Meurtre Artistique Munitions Actions Explosions, La Jeannine enterrement slam Rock, Women 68 même pas mort...).

Extrait de "Les Pendus" :

Écris comme on hurle écris en rouge arme-toi d'un stylo éructe des pieds des poings de la gueule parle avec tes couilles encre ton poing frappe le clavier de tes tripes choque les mots ose la poésie sans compromis machine de la vie crache des vers en tous lieux à toute heure dans les rues sous la pluie la neige le vent par terre dessine un arc-en-iel avec des crayons crache chuchote des paroles qui réaniment harangue avec ton corps gueule l'interdit machine de la vie chante l'utopie rage ton rap rock ta life libère ta parole tague ta révolte beugle ta haine écris comme on hurle gribouille griffonne raye rature tape rédige questionne compose ponds raconte déchire tout et recommence et recommence jusqu'à faire éclater la grenade de ton ministère intérieur ose le texte de la tourmente comme un coup d'épaule au dormeur (...) écris comme on hurle monte le son ouvrez vos bouches au doute à l'incertain à l'obscur à l'étrange à la colère à la révolte au vent révolte le vent haussons le ton haussons la langue osons la langue bien pendue osons la colère pour ne pas mourir.

 

 

Samedi 6 septembre 2014, 18h
ALEXANDRA BADEA
lit
Pulvérisés (L'Arche, 2012)

Pulvérisés nous plonge dans la vie de deux femmes et deux hommes, jamais nommés, durant une journée et une nuit. Quatre grains de sable dans l’économie mondiale. Un des protagonistes croise à un moment la vie des trois autres. Responsable assurance-qualité sous–traitance pour une grande entreprise, toujours dans un avion, il habite rarement Lyon, au risque de mettre en danger sa vie de famille. Il est amené ainsi à contrôler à Dakar une entreprise de standard téléphonique. Au même moment, un superviseur de plateau sénégalais dénonce la cruauté dont peut faire preuve son chef d’entreprise pour “faire du chiffre”. À Shanghai, une ouvrière chinoise raconte l’humiliation quotidienne qu’elle subit chaque jour à l’usine où elle travaille à la chaîne. À Bucarest, une ingénieur d’études et développement témoigne de sa difficulté à s’intégrer, à réussir, à gravir les échelons. Quatre vies qui se racontent pour nous emplir d’une fraternité, nouvelle.
Avec cette pièce, Grand prix de littérature dramatique en 2013, Alexandra Badea décortique sous nos yeux le système généré par la mondialisation (course effrénée au profit, dérèglement du marché financier…).
Née en 1980 en Roumanie, Alexandra Badea est auteure, metteure en scène, scénariste et scénographe. Elle a publié, en 2009, trois pièces : Contrôle d’identité - Mode d’emploi – Burnout. Toujours chez L'Arche, elle vient de publier son premier roman Zone d'Amour prioritaire.

Extrait de Pulvérisés

Tu ouvres les yeux
Tu bois un verre d’eau
Tu regardes ta montre – 18h.37
Dehors un noir profond
18 heures 37 de quel pays ?
Paumé encore dans un décalage horaire improbable tu allumes la télé
CNN 16.37
Al Jazeera 21.37
Globo News 15.37
BBC 19.37
ChannelNewsAsia 2.37
Il est 2.37 chez toi, là où tu te trouves en ce moment de ta vie entre deux avions
à la destination incertaine, avant un rendez-vous calé trois mois à l’avance dans
l’agenda de ton ipad qui a comme fond d’écran une famille heureuse en bord de
mer. Tu ne sais pus quel bord de mer. « La mer elle est la même partout. »

 

 

Samedi 13 septembre 2014, 18h
LUCIE DEPAUW
lit
Dancefloor Memories, Koïné, 2013

Pierre et Marguerite Delormes vivent ensemble depuis cinquante et un ans. Ils ont eu quatre enfants, trois filles et un garçon et bientôt ils fêteront en famille leurs noces de camélia. Mais depuis quelques temps, la santé de Pierre se dégrade, il a la mémoire qui flanche (Alzheimer). Pour partager cette surcharge de travail et de soucis, Marguerite fait appel à une aide à domicile, et engage Léonie, une jeune créole. Celle-ci, un jour, lui conseille d’aller se distraire, d’aller danser. C’est là, sur un parquet de danse, que Marguerite rencontre Gary, un Américain, octogénaire comme elle : début d’une histoire d’amour. En cinq mouvements.
Lucie Depauw a publié HymeN (Écritures théâtrales Grand Sud-Ouest n°19, 2013 ), Lilli / Heiner intra-muros (Koïné, 2014)

Extrait de Dancefloor Memories

Gary : De très bon conseil cette Léonie
vous dansez bien
A votre âge mais on ne demande pas l’âge
A une dame de votre âge
J’ai ma petite idée
Une fourchette un pronostic je crois que ça peut coller entre nous
C’est agréable de danser avec vous
Vous avez de la grâce

Marguerite : Oui sur les cuisses surtout
Mais ça c’est à cause des quatre gosses
Ça fait longtemps qu’un homme ne m’a pas fait rire
La dernière fois c’était dans les années 90

Gary : Vous pensez vraiment qu’on peut aimer plusieurs fois
Oui serrez-vous tout collée contre moi
Alors oui j’en suis sûr on peut aimer encore

Marguerite : Madame Marguerite Delormes
Puisque mon mari s’appelle Pierre Delormes
Je m’appelle madame Pierre Delormes
Sur les factures
Tout ça c’est à cause de Léonie
Si elle m’ avait pas envoyé guincher
Tout ça ne serait pas arrivé
Mon mari est à la maison avec Léonie
Et moi je danse avec un homme mûr qui bande
Juste une danse j’ai dit

 

 

Samedi 20 septembre 2014, 18h
MARINE BACHELOT
lit
Histoires de femmes et de lessives (éditions des Deux Corps, 2011)

De 1808 à 1976, le domaine Saint-Cyr, situé près de Rennes, a été tenu par les soeurs de Notre-Dame de Charité du Refuge. Pendant plus de cent cinquante ans, le lieu a abrité une maison de correction, de rééducation des enfants difficiles, de formation
pour jeunes filles inadaptées, de trois à vingt-et-un ans. Sur un terrain de cinq hectares, entouré de deux mille cinq cents mètres de murs, hauts de trois à sept mètres, les religieuses qui avaient « choisi de ne pas vivre avec un homme, de ne pas enfanter », accueillaient d’anciennes prostituées, des filles-mères, des enfants violées, des débiles légères... En 1953, une centaine de religieuses vivaient encore avec trois cent vingt « filles » qui travaillaient à laver, nettoyer de vêtements militaires, fabriquer du linge pour la marque Petit Bateau... Marie-Madeleine a–t-elle été la première des féministes ?
Née en 1978, Marine Bachelot a également publié aux Éditions des Deux Corps, La place du chien. Sitcom canin et postcolonial (2014), Grève (in Courtes pièces politiques du collectif Lumière d’août, 2012)

Extrait de Histoires de femmes et de lessives

Berthe : Un garçon du faubourg d’â côté m’a engrossée, et il n’a pas voulu m’épouser. J’ai essayé de faire passer l’enfant, mais il est né c’est une fille, mes parents m’ont collée ici. J’ai quinze ans, mes seins gonflés de lait me font mal

Armande : Arrivée à Saint-Cyr au beau milieu d’une charrette de foin, provenance de Janzé. Les soeurs ont renversé la paille elles m’ont trouvée, j’ai peut être deux ans, j’ai peut être trois ans ? Qui m’a cachée là-dedans je sais pas, Saint-Cyr j’y ai atterri comme ça, un miracle

Léontine : Au bal du quatorze-juillet Saint-Malo j’ai dansé avec un soldat, la valse et les lampions m’avaient tourné la tête. Sur la plage sous sa tente on a couché ensemble mais la police rôdait. « Relation sexuelle dans un lieu accessible au regard du public ».
L’avocat de mon soldat a plaidé « C’est un jeune militaire vous comprenez, il faut bien que jeunesse se passe ». Moi aussi ma jeunesse passe et passera, derrière les murs de Saint-Cyr.

Marguerite : J’ai douze ans et maman est morte. Mon père et mon frère ils m’ont dit « dans ce cas-là c’est la fille qui remplace la mère ». Alors je remplace maman, à la cuisine au ménage et dans le lit. Maman est morte je la remplace. Un jour j’en parle à une amie, elle me dit « t’es sûre que c’est comme ça ? faut qu’on demande à la maîtresse ». La maîtresse a blêmi, alerté les services sociaux, et hop me voilà à Saint-Cyr j’ai quatorze ans

 

Samedi  27 septembre 2014, 18h  
CATHERINE  ANNE
lit
Sous L’armure  (L’école des loisirs, 2013)

L’action se déroule au Moyen Âge. Un Moyen Âge de convention où Catherine Anne s’amuse, et le lecteur avec elle, à bousculer les stéréotypes (présence d’une ménestrelle), en multipliant les changements d’habit, les travestissements. Un suzerain qui n’avait qu’une fille, l’éduque comme un garçon. Pourtant quand la “nécessité” de la guerre s’impose, « Monseigneur »  décide de l’envoyer au couvent, il choisit de partir guerroyer avec Thibault, un jeune garçon (13 ans) qu‘il a adopté et élevé avec Christine et le fait chevalier.  Christine désobéit alors à son père : affirmant préfèrer “mourir au combat qu’étouffée sous un voile”, elle part à la place de Thibault, dissimulée sous son armure. De son côté, Thibault, qui refuse de verser le sang,  trouve l’hospitalité chez de braves paysans…Quand Christine reviendra du combat grièvement blessée, Thibault la soignera avec les herbes du “dragon”.
Née en 1960, à Saint-Étienne, écrivaine, comédienne et metteuse en scène, Catherine Anne a publié vingt-cinq pièces depuis la fin des années 80 (Une année sans été, 1987 - Agnès, 1994 – Le Ciel est pour Tous, 2009 - Comédies tragiques, 2011). Actes Sud vient de republier dans la collection Heyoka jeunesse Le Crocodile de Paris.

 

Extrait de Sous l’armure

Thibault : Attention tu vas te blesser

Christine : Je tiens l’épée aussi bien que toi
Et mille fois mieux que lui ce petit ce niais
Mon frère
Depuis qu’il est venu
Mon père ne me voit plus
Aujourd’hui il me destine au couvent
Non

Thibault : Nous devons obéir

Christine : Pourquoi

Thibault: Je ne sais pas

Christine : Prends ma place alors
Obéissons chacun à la place de l’autre
Va prier toi tu as le coeur si pur
Je garde ton épée moi
Et je tuerai tant d’ennemis
Que mon père à nouveau me verra

Thibault : Christine

Christine : L’idée me plait oui
Échangeons nos habits

 

Samedi  4 octobre 2014, 18h  
DAMESTOY Marina
lit   
A. Collision.Antigone, (Les Xérographes, 2013)

Fille d’un militant politique algérien exilé en France en 1979, Safia, 31 ans, est  devenue une journaliste célèbre pour son traitement des sujets sociaux comme les discriminations. Pour sa chaîne de télévision, elle  couvre en direct l’incendie d’un centre de rétention provoqué par des sans-papiers. À l’extérieur, une manifestation  tourne à l’échauffourée, faisant deux victimes: Jamel Khaled, chef de file des manifestants, responsable du collectif Utopia et Ahmed Khaled, son frère, préfet de police. Suite au drame, le président de la République française annonce la dissolution de neuf associations de soutien aux sans-papiers, le doublement des quotas d’expulsion, l’interdiction de manifester en faveur des étrangers et de leur prodiguer de l’aide. Au risque d’aller en prison, Safia passe outre, mettant en péril sa carrière professionnelle et sa relation avec Amon,  l’homme qu’elle aime. Sur internet, elle lance un appel à la désobéissance civile…
Cette fiction politique, revisitant la figure d’Antigone, est le premier volet d’un triptyque (A.M.O.) où sont convoquées Médée et Ophélie.
Outre une pratique de la mise en scène, Marina Damestoy collabore aux revues Janus (Jan Fabre), Inventaire/Invention, Toc, Cassandre, Mouvement, Bakchich et au journal Le Monde en tant qu’illustratrice. Elle est aussi l’initiatrice du mouvement social «Génération Précaire» (accès à l’emploi pour les jeunes / droit des stagiaires) et cofondatrice de « Jeudi-Noir » (droit au logement).

Extrait de A. Collision. Antigone

Premier ministre : Il semble que les particuliers relogent les familles de « sans-papiers » dans leurs parties communes, leur construisent des abris de fortune sur les toits, dans les cours, les hangars à vélo, les caves, les appartements vides. Mais bien heureusement, d’un autre côté, dans les commissariats, les mairies, au sein de nos services sociaux, des citoyens prennent rendez-vous avec les autorités pour nous livrer des adresses, des noms et témoigner de ce qui se passe chez eux.

Président : Bien ! Combien sont-ils ?

Premier ministre – On ne peut pas bien savoir, 3 000 peut être ?

Président : Ça fait combien d’étrangers cachés ? 10 000 ? Et vous, à l’Intérieur vous laissez faire ? L’ordre public, vous vous en foutez ? Je vous ai dit que je ne veux rien céder, ministres, fonctionnaires, religieux, gauchistes. Communication et fermeté. On en appelle à la responsabilité civique en en remettant un coup sur la délation. Amon, faites-moi passer ça gentiment aux médias. (…) La politique européenne nous aide, mais n’est pas suffisante. Alors, oui ! Nous allons les renvoyer chez eux. Renforcer les mesures sécuritaires, c’est une solution juste, conforme au droit, à la morale et surtout à l’intérêt national. Allez !  Que chacun de vous reprenne ces éléments de langage dans les médias. Il est temps de parler clair.

 

 

Les Amies d'Olympe #2
chaque samedi, 17h30
du 31 août au 5 octobre 2013
Place Martel Esprit, La Seyne-sur-Mer

 

Samedi 31 août 2013, 17h30
CAROLE THIBAUT
lit
L'enfant, drame rural
(Lansman, 2012)

Il est question d’une petite communauté humaine ordinaire, dans un village du sud de la France, d'un nouveau-né trouvé sur le seuil d'une maison, d’un été trop chaud et sec, irrespirable, d’un homme qui finit par brûler tous ses livres, parce qu’il comprend trop tard que tous ces livres lus ne furent en définitive qu’un rempart érigé pour protéger son propre mensonge, d’un homme qui n’aime plus sa femme, ne veut pas se l’avouer, et par là commet la pire des trahisons, de chasseurs en mal de chasse et qui partent à la chasse à la femme et à l‘enfant, d’une femme et d’un homme qui bercent leur vide d’enfant comme ils le feraient d’un enfant vivant, d’une idiote à qui on a retiré son enfant et qui en vole un, d'une mère qui aime trop son vieux fils et pas assez sa fille, d'une vieille intellectuelle de droite qui trompe son ennui avec un jeune maçon de gauche. Il est question d’un village en flammes... Premier volet d’un ensemble intitulé Les communautés territoires, la pièce a été conçue lors d’une résidence d’écriture dans un village médiéval de l’Isère. Comment naît l’inhumain, suivant quel imperceptible dévoiement des règles ? Telle serait la question qui se pose face à ces communautés très ordinaires, souvent repliées sur elles-mêmes, qui occupent ces territoires, aussi différents soient-ils : île, cité en banlieue, village… Toutes ont leurs codes, rites, histoires ; toutes peuvent se comparer dans la déviance et la sclérose qu’elles risquent d’engendrer. Un nouveau-né abandonné devant la grille d’une ferme va bousculer la vie d’un village figé dans l’immobilisme. Suscitant rumeurs et suspicion, réveillant vieilles querelles et mémoires enfouies, l’enfant va passer de mains en mains jusqu’à revenir dans les bras de celle qui l’a trouvé : l’idiote du village. L’histoire des treize personnages et le destin de l’enfant s’entrelacent, créant micro-séismes, entrechoquements, et ce jusqu’au dénouement : un acte transgressif qui condamnera, par ricochets, le village à la destruction. L’histoire s’inspire de l’épisode de Sodome dans la Bible : le châtiment y sanctionne le manquement aux lois d’accueil de l’étranger. L’Enfant, oeuvre de fiction, prend sa source dans le réel, mais y retourne en se faisant parabole sur ce qui constitue, pour tout ensemble humain, une menace permanente, une menace de l’intérieur. Comédienne et metteure en scène, Carole Thibaut a notamment publié chez Lansman: Fantaisies : l'idéal féminin n'est plus ce qu'il était – Version 3 (2012) - Avec le couteau le pain ( 2010) - Été ( 2008) - Faut-il laisser les vieux pères manger seuls aux comptoirs des bars, 2008.

EXTRAIT

Patrice : Il y en a beaucoup des histoires comme ça par ici
Gérard : Des histoires comment
Patrice : Des histoires de filles avec des enfants
Marcel : Aucune qui n'ait pas été mariée
Patrice : Après
Marcel : Avant Après L'important c'est qu'elles soient mariées

 

 

 

Samedi 7 septembre 2013, 17h30
CATHERINE VERLAGUET
lit
Braises

Aujourd'hui, Leïla se marie. Mais elle n'a pas l'esprit tranquille. Lorsque sa soeur Neïma débarque pour l'aider à cracher le morceau, Leïla n'a pas envie de se confronter à elle. Pourtant, elle sait qu'elle n'a pas le choix. Qu'il lui faut régler cette histoire une bonne fois pour toute si elle veut se marier en paix. À trois - avec leur mère - entre récits et retours en arrière, les trois femmes reconstituent le puzzle de ce qui s'est passé pour pouvoir, enfin, tourner la page. Mais à quel prix ? À propos de sa pièce, Catherine Verlaguet écrit : "Braises traite d'un sujet brûlant parce que d'actualité. Le repli culturel que l'on observe dans certains quartiers soulève des débats houleux sur ce qu'est l'identité nationale. Je considère que c'est aussi à nous, artistes , de prendre la parole pour la donner. À nous de construire des ponts, de faire entendre des voix que l'on tait trop souvent par peur de s'y confronter". Pièce inédite, écrite lors d'une résidence d'écriture à Valréas, Braises sera mise en scène à l'automne 2014 par Philippe Boronad de la compagnie Artefact. Catherine Verlaguet a notamment publié: L'oeuf et la poule (Actes Sud-Papiers /Heyoka jeunesse, 2011); Chacun son dû / Jedem das Seine (Les Cygnes, 2005), Amies de longue date (Les Cygnes, 2001).


EXTRAIT

LEILA -

LEILA - C'était comment?
NEÏMA (savourant) - Chuuut.
LEÏLA - Dis-moi.
NEÏMA - Doux. Mou. Sucré. Et chaud. Comme une friandise qui n'en finit pas de te fondre dans la bouche…
LEÏLA – …avec un goût de liberté. C’est ce qu'elle a dit.
LA MÈRE (au public) - Elles sortaient en ville, oui, mais elles ne faisaient rien de mal. Ce qu’elles faisaient, c’était vouloir être avec leurs copines. Hein? Pourquoi les empêcher d’être avec leurs copines ? Après tout c’est nous qui sommes venus ici, alors…Il aurait fallu rentrer au pays. Quand elles sont arrivées en âge…on aurait dû rentrer. Mais c’est leur frère qui a pas voulu: il a sa vie, lui, ici, il est bien intégré, il a des responsabilités, tout le monde le connaît, il a son rôle, tout le monde compte sur lui, c'est difficile de partir comme ça, pour un pays qu'il a jamais vécu. Il voulait qu'on envoie les filles. Mais les filles toutes seules... Non, c'est pas comme ça qu'on fait. Il aurait fallu les accompagner au moins la première année, leur trouver des maris et puis après, bon, revenir ici, pourquoi pas, qu'est-ce que j'en sais. Mais... moi aussi j'ai ma vie ici, et leur père c'est pareil !
On quitte pas tout comme ça pour un an, c'est pas aussi facile ! Et puis alors là-bas, on vit où, hein ? On fait comment ? On travaille où ? Non, non, non. Et puis, là-bas aussi les choses, elles ont changées. C'est plus comme c'était quand on est partis. Là-bas, aujourd'hui, on nous appelle les Français, alors vous voyez ! ? C'était pas une bonne idée. Chez nous, c'était ici maintenant; c'est la France.

 

 


Samedi 14 septembre 2013, 17h30

Des adhérentes de la Bibliothèque Armand Gatti
lisent
Les hommes de CHARLOTTE DELBO (Fayard, 2013)

Pour le centième anniversaire de la naissance de Charlotte Delbo, des adhérentes de la bibliothèque de théâtre Armand Gatti lui rendent hommage en lisant sa dernière pièce, Les hommes. Jusqu'à maintenant, Charlotte Delbo (1913-1985) était principalement connue par ses écrits publiés chez Minuit depuis les années soixante. Dans Le convoi du 24 janvier et sa trilogie Auschwitz et après, la résistante politique, membre du réseau Politzer, témoignait de son expérience concentrationnaire : elle était l'une des rares survivantes d'un convoi de deux cent trente résistantes déportées en 1943 à Auschwitz. La qualité de ses quatre livres lui avait valu un début de reconnaissance et d'être mise au même rang que Primo Levi. En 2013, les publications chez Fayard d'une biographie- la première à lui être consacrée - et d'un livre regroupant son importante oeuvre théâtrale devraient lui permettre d'élargir son public. Les deux ouvrages modifient l'image qu'on avait d'elle, en montrant notamment la place importante jouée par le théâtre dans son existence. Durant trois ans, jeune sténodactylo, Charlotte Delbo fut l'assistante de Louis Jouvet, notant les indications du metteur en scène pendant les répétitions et les cours. Entre 1966 et 1978, elle écrivit dix pièces de théâtre. Six d'entre elles suivent de très près l'actualité : La théorie et la pratique, par exemple, a pour sujet la rencontre, en avril 1968, de deux sociologues, l'Allemand Herbert Marcuse et Henri Lefebvre (elle travailla au CNRS avec ce dernier); La capitulation, finie d'écrire en octobre 1968, porte sur l'invasion de la Tchécoslovaquie par « le grand frère » et ami russe... Les quatre autres pièces reviennent sur son expérience de résistante et de déportée. Écrite en 1978, Les Hommes est la dernière pièce de Charlotte Delbo. L'action se passe en France, en 1942 : incarcérées pour actes de résistance, des femmes décident de monter une pièce de théâtre et chargent l'une d'entre elles de l'écrire. Elles sont séparées de leurs compagnons, détenus dans une autre partie du fort, potentiels otages...

EXTRAIT


Acte premier, scène 1
REINE, à Françoise qui rentre – Alors, Françoise, ça y est ? Tu as fini ?
FRANÇOISE - Je n'ai pas commencé
CÉCILE - Tu n'as rien fait ? Rien depuis l'autre jour ?
FRANÇOISE - Non. Rien.
CÉCILE - Nous t'avons déchargée du cours d'anglais, de toutes les corvées, et tu n'as rien fait ? (...) Tu avais promis , Françoise. FRANÇOISE - Oui, Cécile, j'avais promis. Je n'ai pas pu tenir. (...) Je ne peux pas inventer quoi que ce soit qui s'écarte de notre réalité. Je ne peux pas.
CÉCILE - Alors pars dans quelque chose de tout à fait différent, dans le fantastique, dans l'imaginaire.
FRANÇOISE - Le fantastique, nous y sommes, comme dans un cauchemar éveillé. Oui, c'est cela: nous ne croyons pas ce que nous vivons . À tout instant, nous nous disons : non, ce n'est pas vrai, ce ne peut être vrai. Nous sommes en dehors de nous-mêmes et pourtant nous savons que c'est de nous et de notre vie qu'il s'agit. Comment dire: nous sommes comme dédoublées (...) Comment écrire quand la mort est au-dessus de nous, la mort et l'arrachement ?

À lire
DELBO Charlotte Théâtre : Qui rapportera ces paroles ? – La théorie et la pratique – La capitulation - La sentence – Et toi, comment as-tu fait ? - Maria Lusitania – Le coup d'État – La ligne de démarcation – Les hommes, Fayard, 2013. -576p.
DELBO Charlotte Auschwitz et après: Aucun de nous ne reviendra - Une connaissance inutile - Mesure de nos jours, Minuit
GELLY Violaine – GRADVOHL Paul Charlotte Delbo, Fayard, 2013. -322p.

 

Samedi 21 septembre 2013, 17h30
LUCIE DEPAUW
lit
HymeN (Écritures Théâtrales du Grand Sud-Ouest, 2013)

HymeN est une pièce, noire et crue comme un polar. L'un des personnages principaux, le docteur Richard, spécialiste de la réparation de l' anneau hymenal, se fera tuer dans son cabinet par le père de Naima, une jeune cliente. Entre la première consultation ("Vous êtes ce qu’on appelle entre confrères une fille ouverte. Ne pleurez pas ça arrive à d’autres. Ma clientèle est satisfaite le risque de rater quasi nul. Détendez vous c’est 1800 euros HT") et le décès du praticien, on aura l'occasion de découvrir que Richard-Rabah, enfant de la DDAS, a lui aussi abandonné son fils à la naissance, que Louisa, sa nouvelle compagne, désire un enfant de lui, avant la ménopause qui approche, que Lili, une de ses patientes enceinte et vierge, a mis en vente son bébé sur internet, sous le pseudo d'"Immaculée". Comme l'indique son sous-titre, HymeN est aussi une "pièce paysage virtuel": aux voix d'un quatuor de personnages se mêlent leurs écrits (blog, courriels, post) et ceux de tous les anonymes avec qui ils correspondent "en ligne". Derrière la Toile, veille la police virtuelle...

EXTRAIT


OFFICIER DE POLICE VIRTUELLE
Apparemment la gosse s’est fait chatouiller les trompes
Je connais pas les détails mais bon le résultat est là implacable
Un polichinelle dans le tiroir et pas de père
Elle a paniqué partie de chez elle
Elle est passée de mains en mains de foyers en foyers
Et au final elle a mis une annonce sur un site pour troquer

IMMACULÉE
Jeune fille de bonne constitution
Saine sportive bonne dentition
Elégante élancée bouche pulpeuse et poitrine généreuse
Ne veut pas garder d’enfant
Faire proposition
Pas sérieux s’abstenir

SANGSUE
Arrêtez de vous reproduire les chômeurs
Les crèves la faim les pouilleux les unijambistes et les RSAistes

MINOU
Cé n’importe quoi les gens
Mé c qui est clair cé qui vaut mieux avoir une autre vie qu’une mère qui tem pas

CHATON
Minou pourrais-tu faire l’effort d’exprimer en français svp fenian

 

Samedi 28 septembre 2013, 17h30
FRANÇOISE DU CHAXEL
lit
C'est là qu'un jour je jouerai Antigone (in Engagements, Théâtrales, 2013)

Depuis vingt ans, Françoise du Chaxel écrit des pièces, mettant en scène des adolescent(e)s, conçues pour être jouées par eux/elles. Alternant chœurs, monologues, dialogues, elle excelle dans ses portraits de jeunes, saisis en groupe ou individuellement, toujours dans l’incertitude, se questionnant. Son dernier texte, résultat d’une commande du Théâtre du Pelican de Clermont-Ferrand, est dans la continuité de son travail. C’est une pièce-paysage, l’action s'y déplace constamment entre la France et l’Inde. À Paris, où Prakash, ingénieur informaticien est venu vivre avec sa femme Chitra, sa fille Preeti fait connaissance au lycée d’Eva, de Leïla et se lie avec Pierre; Lucie rêve d’aller en Inde jouer "Antigone", à Jaipur. En Inde, Abdul veut faire carrière à Bollywood, Ganesh veut entrer dans une école de khatakali, Sumana rêve de quitter Calcutta, Shanti parle de sa découverte du gang des femmes au sari rose, Mallika du tsunami qui a emporté ses enfants ...
Françoise du Chaxel a publié chez Théâtrales : Ce matin, la neige (2011) - La Terre qui ne voulait plus tourner - Autrefois, aujourd'hui, demain (2010), Les Oiseaux maladroits (2009) - Comme des flèches vivantes - Des traces d’absence sur le chemin (2007) - L’Été des mangeurs d’étoiles (2002). À noter aussi: “Au pays de mon père on voit des bois sans nombre” (Les Cahiers de l’Égaré, 2004) - En automne, j’ai même vu des renards danser (Urgence de la jeune parole, 1997). La rencontre avec Françoise du Chaxel s'inscrit dans le cadre d'une après-midi consacrée aux écritures théâtrales pour la jeunesse. Elle sera précédée (15h30) par la présentation de la sélection du XIème prix de la pièce de théâtre contemporain pour le jeune public et par une intervention de Marie Bernanoce, autour de son livre Vers un théâtre contagieux, deuxième tome de son répertoire critique du théâtre contemporain pour la jeunesse (Théâtrales, 2012).

EXTRAIT

Séquence 3. En France, des adolescents

Là-bas des films par centaines
Qui disent les rêves d'amour de celles qui obéissent
Là-bas, au pays de Gandhi, l'arme atomique
Là-bas des castes qui divisent les hommes
Là-bas des religions qui divisent les hommes
Là-bas l'obsession de la pureté
Là-bas la vénération de la richesse
Là-bas la violence qui répond à la violence
Là-bas des femmes soumises
Là-bas plus assez de femmes
Là-bas les mariages arrangés
Là-bas le règne des horoscopes
Là-bas le savoir pour quelques- uns
Là-bas la richesse pour quelques -uns
Là-bas l'apparence de la sagesse

 

Samedi 5 octobre 2013, 17h30
MAGALI MOUGEL
lit
Guérillères ordinaires (Espaces 34, 2013)

Les guérillères, ce sont trois femmes, aux prises chacune avec un homme, le mari, le patron, le père, trois figures emblématiques du mâle. À travers trois récits courts, trois monologues, l'auteure livre des destins tragiques dont la mort est la seule issue. Il y a pour commencer Lilith. Elle vit en Corée avec Georg, son mari et ses deux enfants. Leur vie est paisible jusqu'au jour Georg à l'envie de percer un trou dans la buanderie, là où elle garde au frais ses secrets. La deuxième figure, Léda Burdy est hôtesse d'accueil dans l'entreprise Egon Framm. Un jour, son patron lui annonce qu'elle va devoir se mettre au régime, rentrer dans du 34 alors qu'elle fait du 42. L'héroïne, anonyme, du troisième poème dramatique (intitulé La dernière battue) est une adolescente dont le père n'a pas supporté la relation amoureuse avec une autre jeune fille. " La guerre est à l’œuvre ici et maintenant dans les textes de Magali Mougel, une guerre d’autant plus implacable qu’elle affecte des personnages qui – jamais – ne sombrent dans l’excès ou la caricature. Bien au contraire : les personnages conservent une grande dignité, celle de leur langue (...) une langue âpre qui pose et repose les questions essentielles, une langue maniaque et domptée qui ne cesse de s’étonner de voir passer à chaque repas le même menu amer et désenchanté. »(Éric Pessan). Pour la première édition des Amies d'Olympe, Magali Mougel était venue lire "Erwin Motor Dévotion".

Extrait


« Elle pourrait être ici. »
Tu me dis Georg.
« Exactement ici.
Tu vois elle irait de là à là.
Elle serait grande comme ça.
Une grande fenêtre.
On abat ce morceau de mur.
Et on fait une grande fenêtre.
Une baie vitrée.
De là à là.
Juste au-dessus de ta table à repasser.
Entre le congélateur et la machine à laver.
Exactement entre.
Pour ne pas que le soleil tape dessus.
Il ne faut pas que le soleil tape dessus.
Le congélateur dos au mur et au soleil.
Toi face à ta table et le jardin avec derrière les arbres de Seorae.
Une buanderie avec vue sur le jardin.
Tu repasserais avec vue sur le jardin.
Avec le regard qui pourrait se porter au loin sur le jardin
avec derrière les arbres de Seorae. »



 
Les Amies d'Olympe # 1
lectures en place publique
1er septembre - 6 octobre 2012
chaque samedi, 17h, place Martel Esprit - La Seyne-sur-Mer

 

 

Samedi 1er septembre 2012, 17h
MILKA ASSAF
lit
Les Démineuses

L'histoire des "Démineuses" est basée sur des faits réels. Elle raconte l'histoire d'une équipe de six femmes libanaises formées au déminage, opérant au Sud Liban. Toutes sont chiites, certaines sont voilées. Trois sont mariées, deux ont des enfants. Leur engagement qui met en péril leur vie tous les jours, est une oeuvre de réparation. C'est aussi un métier leur permettant de gagner d'une manière respectable un salaire se montant au double du salaire moyen. Fortes de l' autonomie financière que leur confère ce "salaire de la peur", ces femmes qui déminent le sol de leur pays, déminent aussi leur vie. Le danger qu'elles osent braver tous les jours les a désinhibées. Cinéaste, Milka Assaf a réalisé une dizaine de documentaires, notamment pour Arte : Le bal du triomphe de l'amour (sur des "Roméo et Juliette" libanais de confessions différentes, 2002), La mémoire volée (sur le pillage du musée de Bagdad, 2004), Sri Lanka (les naufragés du tsunami, 2005)... "Les Démineuses" est sa première pièce.
"Je me suis aperçue qu'une pièce de théâtre me permettrait d'avoir beaucoup plus de liberté qu'un documentaire, je pouvais mettre en scène les confidences les plus intimes que ces femmes m'ont livrées".

INCIPIT

SHÉHÉRAZADE et LINA sont perchées sur une colline. Tandis que Lina admire le paysage, Shéhérazade balise un terrain miné.

LINA - Quelle vue magnifique ! Je n’imaginais pas que la région était aussi verdoyante !
SHÉHÉRAZADE (déroulant le cordon) - Verdoyante mais vénéneuse !
LINA - Tu veux dire que toute cette superficie est infestée ?
SHÉHÉRAZADE - Tout le sud du Liban ! Depuis la frontière avec Israël qui est derrière ces collines jusqu’à la banlieue de Beyrouth. 80 Kilomètres à vol d’oiseau ! Mais en superficie, ça fait plus, il y a les montagnes, les vallées, le littoral...
LINA (parcourant du regard la surface contaminée) - C’est terrifiant ! A-t-on une idée précise du nombre de mines dispersées ?
SHÉHÉRAZADE (nouant le cordon autour d’un piquet) - Seuls les Israéliens peuvent préciser le nombre de mines qu’ils ont larguées sur le Liban, et jusqu’à présent, ils refusent de le faire. Mais selon les experts de l’ONU, de Human Rights Watch, et des ONG sur le terrain, l’évaluation oscille entre un et deux millions de mines antipersonnelles. Va savoir !
LINA : De quoi tuer un tiers de la population ! Ouaou !
SHÉHÉRAZADE - Tiens, tu me donnes la pancarte s’il te plaît ? Mais tu ne sors pas du chemin, c’est le seul espace qui a été décontaminé.
Sur la pancarte, une tête de mort, soulignée d’une inscription : « Danger – Mines ». Schéhérazade la plante dans le sol.
SHÉHÉRAZADE - C’est bon !
Shéhérazade continue de baliser le terrain miné.
LINA - Combien de mines ont été neutralisées jusque-là ?
SHÉHÉRAZADE - Depuis trois ans, en additionnant les résultats des équipes de déminage de toutes les ONG, 200 000 !
LINA - 200 000 sur deux millions, on est loin du compte ! Et Scandinavian Aid emploie combien de personnes pour le déminage ?
SHÉHÉRAZADE - Trente. Et selon le principe d’égalité cher aux Scandinaves, quinze hommes et quinze femmes, touchant tous le même salaire.
LINA - Hah ! Y a que des Scandinaves pour pratiquer le principe d’égalité au Liban ! Et les équipes sont mixtes ?
SHÉHÉRAZADE - Non. L’équipe masculine démine dans un secteur plus éloigné. L’équipe féminine est répartie sur trois territoires, dont celui-ci. Ouf, quelle chaleur ! (Desserrant son voile) Repos ! Shéhérazade se dirige vers un sac laissé au bord du chemin et en sort une bouteille d’eau. Tu veux un peu d’eau, Lina ?
LINA - Non merci, Shéhérazade.
SHÉHÉRAZADE - Tout le monde m’appelle Shéhra, mon diminutif est plus facile à porter ! (Shéhérazade avale quelques gorgées.) Dans cette zone, nous sommes cinq à opérer. On commence à 6h du matin, et on finit à 14h. Avec une pause obligatoire de dix minutes à la fin de chaque heure.
LINA - En principe ?
SHÉHÉRAZADE - Quatorze démineurs sont morts sur le terrain et cinquante ont été blessés ! Pas dans notre ONG, mais quand la sirène sonne le glas, nous observons tous une minute de silence.
LINA (Après un silence). - À quoi ressemblent ces mines assassines ?
SHÉHÉRAZADE - Les BLU sont rondes et grosses comme une balle de tennis. Et les M ressemblent à une petite bouteille de gaz, petite comme ça !
LINA (avec une amère ironie) - Je vois, parfaite pour la cuisine d’une maison de poupée.

Samedi 8 septembre 2012, 17h
SEDEF ECER
lit des extraits de
Sur le seuil - À la périphérie - Les descendants

En quatre ans, avec trois pièces écrites en français et publiées chez L'Amandier et L'espace d'un instant, Sedef Ecer s'est imposée comme une subtile passeuse entre la Turquie, pays où elle née, et la France, "sa langue d'accueil". Dès 2009, elle se fait remarquer avec Sur le seuil, sa première pièce écrite en français. Tous les personnages de cette suite de minifictions sont des femmes amenées à se rencontrer dans l"'araf", lieu de passage entre la vie et la mort : une immigrée sédentarisée qui s'est suicidée, une femme snipper amoureuse de son ennemi, une jeune fille qui découvre que son grand-père n'était pas le héros national enseigné à l'école, une danseuse du ventre assassinée par la femme de son amant et consommée par celui-ci, sans qu'il le sache, sous forme de purée... Dans sa seconde pièce (2011), l'action se déplace À la périphérie d'une grande ville de la planète, sur une immense décharge où sont repoussés les exclus et les exclus des exclus. Enfants nés sans nombril, contaminés par le dépotoir puis par une usine de pesticides, Azad et Tamar réussiront à aller en France pour découvrir qu'au pied de la tour qu'ils squattent dorment des Rroms, comme dans le bidonville qu'ils ont fui. Résultat d' une co-production allemande, française, arménienne et turque, Les descendants (2012) tourne autour d'un mot jamais prononcé, d'un non-dit. L'action se déroule aujourd'hui dans un observatoire astronomique, avec en arrière plan, un évènement historique longtemps refoulé : la sélection par un État nationaliste d'êtres inférieurs envoyés en déportation. Elle se termine avec l'espoir "Que dans un autre temps, une autre galaxie, des hommes ne seront pas séparés en trois: les bourreaux, les victimes, les témoins. Et que leurs descendants ne porteront pas les haines ancestrales."
Sedef Ecer a également collaboré à "Un oeil sur le bazar", anthologie des écritures théâtrales turques éditée en 2010 par L'espace d'un instant. Elle lira des extraits de ses trois pièces publiées en français. Elle lira aussi "Le peuple arrive" présenté récemment au Théâtre du peuple à Bussang ainsi que des extraits de "L'absente", première partie de "Jusqu'où tu pourras !" triptyque en cours de création, dont les deuxième et troisième volets sont écrits par Michel Bellier et Stanislas Cotton.

EXTRAIT de « L’ABSENTE »

Galanthine, transsexuelle voilée et Kardelen, fan de road movies.

KARDELEN – Pourquoi tu portes ça ?
GALANTHINE – Quoi ?
KARDELEN – Ce truc-là ?
GALANTHINE – Le niqab ?
KARDELEN – Oui. Pour devenir invisible ?
GALANTHINE – Pour devenir invisible. Pour ne pas être vue. Ne pas exister. Car on n’existe pas, nous. Je n’ai même pas de pièce d’identité. J’ai toujours une carte d’identité bleue. Celle des hommes. A chaque fois que je vais à la préfecture pour en avoir une rose, ils me passent à tabac. Ils m’ont même fait faire mon service militaire. Dans des dortoirs avec quatre-vingts hommes. Alors, quand je suis rentrée de l’armée, j’ai décidé de me voiler. Il m’aide ce niqab, à devenir invisible. A passer plus facilement dans la rue. Mais c’est aussi parce que j’ai péché. J’ai transformé ce corps que Allah m’a donné. Je me dis que faire la prière cinq fois par jour, porter le niqab, jeuner pendant le ramadan ça peut effacer mes péchés.
KARDELEN – C’est ce truc qui va aider à racheter tes péchés ? Excuse-moi mais ton Allah, déjà qu’il ne voit pas les femmes quand elles sont habillées normalement, si en plus on se rend invisible avec des tonnes de tissus !
GALANTHINE – Teubé estafouroullah ! Arrête les blasphèmes !
KARDELEN – Pourquoi ? Tu crois qu’il va me punir ? (au ciel) Hééé ! Monsieur Allah ! (à Galanthine) Je dis Monsieur parce que vu comment il se comporte avec nous ici, ça ne peut pas être une « Madame »… (au ciel) Monsieur Allah ! Envoie-moi un seul signe et je me mets en niqab comme ma voisine de gauche…
GALANTHINE – Chiche !
KARDELEN – Attends. Disons… pas en niqab mais en hijab. Ca va, ça ?
GALANTHINE – Avant même de signer, tu as commencé à marchander !
KARDELEN – Oui tu as raison. Il ne faut pas créer de crise de confiance avec Allah. Je te jure, Allah, je me mettrai en niqab.
GALANTHINE – Et si ça marche ?
KARDELEN – Je dirai que je ne savais pas ce que ça voulait dire. Que je pensais que… ça voulait dire porte-jaretelles.
GALANTHINE – Mécréant ! Moi, je sais que Allah m’aidera. Pour mon opération. Pour enlever ce pénis qui ne m’appartient pas. Cette bite qui me tue à petit feu. Et pour cette route. Cette longue route.
KARDELEN – Ce road movie.
GALANTHINE – Ce road movie.


Samedi 15 septembre 2012, 17h
ELSA SOLAL
lit
Olympe de Gouges (Lansman, 2007)

Enfant illégitime, née à Montauban le 7 mai 1748, Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, meurt guillotinée le 3 novembre 1793. Auteure de théâtre, elle est la première femme dramaturge à être jouée à la Comédie-Française, avec une pièce dénonçant l'esclavage des noirs. Figure flamboyante de la Révolution française, longtemps méprisée, son action fait depuis deux décennies l'objet d'une réévaluation. Son nom reste indissolublement lié à sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, première déclaration universelle des droits humains à poser une exigence universellement valable à la fois pour les hommes et pour les femmes. Pour les femmes, elle demande notamment le droit de vote, l'accès aux charges et emplois publics, le droit à l'instruction. Elle imagine un nouveau contrat social entre la femme et l'homme, protégeant les mères "célibataires", les enfants illégitimes, réorganisant le fonctionnement de l'héritage. Elle lance l'idée de "maisons de maternité", défend la loi sur le divorce.
Dans sa pièce, Elsa Solal se concentre sur les derniers moments d'Olympe de Gouges. Emprisonnée, à la veille d'être exécutée, Olympe revient sur l'occasion manquée d' éviter l'arrestation en partant avec son fidèle ami l'écrivain Louis-Sébastien Mercier, elle revit le face-à-face avec Fouquier-Tinville, accusateur du tribunal révolutionnaire qui lors d'un procès déséquilibré a obtenu sa tête. La pièce se termine sur ces mots d'Olympe: "Les femmes ont le droit de monter sur l'échafaud, elles doivent avoir celui de monter à la tribune."
Elsa Solal a également publié: Armor (Lansman,1996), Dis, la vie, comment ça marche - Peurs (Les Cahiers de l’Égaré, 1999), Démons aux Anges (Les Solitaires Intempestifs, 2001), L’Autre Guerre - Le Monde à l'envers (Syllepse, 2003), Fragments d’humanités, le manifeste des 343 S. (Lansman, 2005) .
En 2009, elle a publié chez Actes Sud, un roman Olympe de Gouges : non à la discrimination des femmes. En 2012, elle vient de publier chez Les Cahiers de l'Égaré une pièce autour de la liaison d'Hannah Arendt et de Martin Heidegger, Celle qui venait d'ailleurs.

INCIPIT

Tableau 1

La prison. À l'aube, une cellule de prison dans la pénombre. Assise à une table, Olympe écrit à la lueur d'une bougie. Elle entend un bruit de sabots sur la chaussée, un roulement de tambour.

OLYMPE – Comment sommes-nous passés de ces nuits brûlantes où l'on se jurait l'amour pour l'éternité à toute cette destruction?
Comment sommes-nous passés de cette joie, de ces serments d'être inséparablement unis, de s'aimer toujours, de se porter secours, à cette haine, à cette division?
Comment passe-t-on de l'amour à l'enfer, à ça ? Comment en est-on arrivés là ? Je veux dire à ce renversement si brutal ?
L'amour est le frère de la mort. Je l'ai voulu enfant de la joie, insolent, imparfait mais fertile, vrai et généreux.
Ils le veulent un et indivisible, idéal, une statue de raison, à quel prix de folie?
Moi, Olympe de Gouges, je suis la même, maintenant enfermée, dans cette prison, mise au secret. Je sais que la haine aspire à effacer toute différence, tout signe de distinction...
Le 5 septembre 1793, la Convention a décidé de mettre la Terreur à l'ordre du jour de l'Assemblée. Terreur avec une majuscule.
Serrons et étreignons si fort le noeud de notre alliance et nous serons non seulement unis mais tous un.
Elle s'arrête un instant, plonge dans ses souvenirs, on entend un bruit de foule. Elle se souvient.

 

Samedi 22 septembre 2012, 17h
DIANA VIVARELLI
lit
Explosion

Le samedi 2 août 1980, à 10h25, heure de pointe du trafic ferroviaire, une bombe explose dans la salle d'attente de la gare de Bologne, faisant 85 morts et 128 blessés. Après quinze ans d'enquête, le procès ne permit pas de découvrir les instigateurs de cet acte terroriste où sont impliqués des membres de l'extrême droite, des responsables des services secrets italiens, la loge maçonnique Propaganda due (P2). Trente ans après, les deux principaux condamnés à perpétuité comme exécuteurs matériels de l'attentat sont en liberté ; présente dans la gare le jour du massacre, Diana Vivarelli ne peut et ne veut oublier cette " strage-dia". S'appuyant sur des sources documentaires vérifiées, mêlant autobiographie et Histoire, elle raconte comment le 2 août 1980 la vie de centaines de personnes définitivement bascula, avec comme fil conducteur l'histoire de quatre jeunes gens qui s'apprêtaient à partir en vacances pour la Grèce. À la manière de Roberto Saviano dans Gomorra, elle choisit "des mots qui dénoncent, qui témoignent, qui ne reculent pas. Des mots parés de leur seule armure: être dits. Une parole qui est sentinelle, témoin."
Diana Vivarelli a publié notamment : Triste sort mais on s’en sort, Ne m’oublie pas !, Racket : brisons la loi du silence (Editions du Petit Véhicule, 2004) ; À l’attaque ! et autres textes (Cerisier, 2007); Marilyn forever, dans le recueil "Marilyn après tout" (Les Cahiers de l’Égaré, 2012)

EXTRAIT


GÉNÉRAL - (...) Je sais, ce n’est pas drôle d'être une victime, mais la raison d'État dépasse de loin la futilité du destin individuel. Mes chères victimes - je peux vous appeler ainsi, n’est-ce pas ? - l'épreuve à été rude mais je vous assure que l’Histoire - avec un grand H – l’Histoire ne vous oubliera pas ! Que représentent-ils en effet, quelques dizaines de cadavres, quelques centaines de blessés face à la menace qui nous guette, face au destin de notre Patrie ? Détails ! Broutilles ! Me juger, moi, me condamner, moi, le serviteur fidèle, l'exécutant scrupuleux ! C’est pour vous, chers messieurs, chères mesdames et mesdemoiselles, qu'on travaille dans le plus grand secret, pour assurer votre sécurité, votre prospérité, pour vous assurer un avenir radieux et confortable, pour vous laisser dormir tranquilles. Pour vous garantir ordre et sécurité.
Je vous demande : qui ? Qui d’autre pouvait mener un combat sans merci contre les ennemis de notre patrie, les anarchistes, les terroristes, les déviationnistes ? Vous voulez un meilleur pouvoir d’achat, vous voulez travailler moins, vous voulez la tranquillité sans vous salir les mains ! Et bien, tout cela se paie. Notre bien-être coûte des bouts de corps humains, hommes, femmes, enfants, notre bien-être nécessite des gens comme moi, prêts à travailler dans le noir et le silence.
J’espère que, encore une fois, je serai lavé de tout soupçon de partialité ou d'abus de pouvoir, moi, l’humble serviteur de l’ombre. Je suis prêt à assumer la responsabilité de mes actes, contrairement à ces mauviettes de politiques qui me donnent carte blanche pendant la nuit et se rétractent lâchement au petit matin.
Les lâches devraient être internés. Les noirs, les handicapés, les faibles nuisent au bon fonctionnement de la société et devraient être éliminés. Les bouches inutiles aussi, pourquoi les supportons-nous ? Nous devrions nous insurger contre les femmes adultères, les enfants illégitimes et autres bizarreries contre nature.
Ordre et sécurité, servir et obéir ! Qu'elles avancent, les soi-disant victimes du système, qu'elles montrent leur visage. Un tribunal n'est rien sans preuves et les preuves que vous cherchez sont classées secret d'Etat. La justice ne tient qu'à un fil. Si vous essayer de couper ce fil, je vous empêcherai de le faire. Pour le bien de notre communauté.


Samedi 29 septembre 2012, 17h
DOMINIQUE PAQUET
lit
La consolation de Sophie (L'école des loisirs, 2012)

Docteure en philosophie, Dominique Paquet mène parallèlement des activités de comédienne, d'auteure de théâtre et maintenant, de codirectrice d'un lieu (le centre culturel Boris Vian des Ulis). Auteure d'une étude sur l'odeur et les parfums au théâtre (La dimension olfactive dans le théâtre contemporain, L'Harmattan, 2005 ) de nombreuses pièces pour adultes (Cambrure fragile, Comp’Act, 2003; Le choix des T(h)ermes, L’Amandier, 2006; Les petites comédies de l'eau Gironde, Script, 2011 ), elle est aujourd'hui l'une des voix importantes du théâtre pour le jeune public. En 1997, elle publie Les escargots vont au ciel, dans laquelle une petite fille de 9 ans réalise: "J' appartiens à celui qui m'élève." (Très Tôt théâtre; Théâtrales, 2002). Puis viendront Un hibou à soi, clin d'oeil à Deleuze et à la pensée-sorcière (Manège, 1999), Les échelles de nuages (L’école des loisirs, 2001), Cérémonies (L’école des loisirs, 2004). Ses pièces ont souvent pour protagonistes des adolescents (Froissement de nuit, Monica companys, 2000; Passage des hasards, Urgence de la jeune parole / Lansman, 2006) mais aussi des enfants, voire des bébés comme dans Son Parfum d’Avalanche (Théâtrales, 2003).
Dans sa dernière pièce pour la jeunesse, comme très souvent dans son théâtre, la philosophie n'est pas loin. La petite Trita est désespérée depuis qu'elle n'a plus le droit de voir Sinan, son frère jumeau malade. Soudain une nuit, une inconnue sort de l'armoire de sa chambre et lui propose de l'aider. Qui est-elle? Pendant sept nuits, elle va dialoguer avec Trita à la recherche de la vraie consolation: "vivre libre".
Comme l'écrivait Dominique Bérody, "en invitant les enfants à son banquet de mots", Dominique Paquet lance "le défi d'un gai théâtre philosophique. En brandissant le biberon philosophal sur la scène du simulacre, elle ne fait que rendre au théâtre une source de ses sources et offrir à nos imaginaires enfantins une bourrasque de sel marin."
La lecture et la rencontre avec Dominique Paquet sera précédée de l'annonce de la sélection des dix pièces retenues pour le Xème prix de la pièce de théâtre contemporain pour le jeune public.
http://www.orpheontheatre.org/bibliotheque/litteraire/prix_jp.htm

EXTRAITS


TRITA - Qui es-tu alors? Tu es immense! Ta tête touche les étoiles, tes yeux lancent des éclairs! Comment es-tu sortie de l'armoire?
À moins que tu ne viennes du miroir? Je n'ai pas bien vu. Pourquoi tu ne réponds à aucune question ?
Ne t'approche pas trop, je te dis...J'ai un peu peur, même si tu ne lorgnes pas mon cou. Même si tu ne ne sors pas tes canines !
(...)
SOPHIE - Je viens de si loin. La route est longue et je suis si vieille!
Je suis née de la première aube quand le premier homme a regardé le monde et s'est demandé :
"Pourquoi? Pourquoi moi ici sur cette étrange terre où tout est à faire, et où je suis si seul !"
TRITA - Il s'est dit ça ? Tu l'as entendu?
SOPHIE - Oui. Sa première parole m'a fait naître.
TRITA - Tu es drôle, toi? tu es née des mots?
(...) Qu'est-ce tu veux faire Sophie?
SOPHIE - Te consoler. Te remettre debout. Te redonner la joie.
L'heure est aux remèdes, Trita. Pas aux poisons.


Samedi 6 octobre 2012, 17h
MAGALI MOUGEL
lit
Erwin Motor, dévotion (Espaces 34, 2012)

Erwin Motor est une petite entreprise de sous-traitance automobile. Y est employée, la nuit, sur une chaîne de montage, la jeune Cécile Volanges, ouvrière modèle dont l’obstination et la fierté se heurtent à l’incompréhension de son mari. À l’usine, cependant, un homme veille au bon déroulement des tâches, Monsieur Talzberg. Il surveille ses ouvrières de près, voire de trop près, par des moyens qui lui sont propres, pour maintenir la productivité. Pourtant la cadence des ouvrières faiblit. Comment agir sur la baisse de production ?
La directrice d’Erwin Motor, Madame Merteuil, agite la menace d’une délocalisation. Et l’étau se resserre autour de Cécile... Une nouvelle forme de "liaison dangereuse".

Extrait

Madame Merteuil. - Le spectre de la Pologne Monsieur Talzberg.
Le spectre de la Pologne nous effraie tous
et compte tenu des courbes du marché de l’industrie automobile
nous pourrions nous retrouver en situation
de crise.
Mais n’ayez crainte Monsieur Talzberg.
Je ne vous ferai pas le coup de la Sibérie.
Cela étant Monsieur Talzberg
je constate depuis quelques temps un faiblissement sur la chaîne de montage F.
Les ressorts et les Neumann Monsieur Talzberg.
On faiblit dans la cadence
Monsieur Talzberg.
Je sais que vous avez une affection particulière pour la minutie de nos petites mains expertes
Monsieur Talzberg.
Nous étions en capacité de fournir 3000 pièces par nuit
et je constate une chute
une baisse
un ralentissement de productivité.
Les temps de pause ?
La durée de transition d’une pièce à une autre ?
La présence d’un élément perturbateur ?
Je ne sais pas Monsieur Talzberg.
Peut-être la jeunesse et la maladroitesse de nos dernières recrues.
Nous voulons lutter contre le chômage des femmes et des moins de 25 ans, mais peut-être que ces enfants sont
encore inaptes au travail.
Et vous savez comme moi que nos dernières ouvrières de moins de 25 ans n’ont pas fait long feu.
Pourquoi ?
Je ne sais pas Monsieur Talzberg.
Vous êtes mon seul interlocuteur avec ce qui se passe dans mon usine
la nuit.
Alors instruisez-moi Monsieur Talzberg.

 

 

 

 
 
 
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